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22 décembre 2011 4 22 /12 /décembre /2011 06:23

Le grand silence, Oratorio, Gérard Pfister, Arfuyen, 2011

 

 

 

Le nouveau recueil de Gérard Pfister se caractérise par des paradoxes qui s'expriment dans la force de leur répétition et de l'effet incantatoire que celle-ci produit. Une écriture " précaire " servie par les allitérations, les assonances, voire la paronomase, favorise  le rythme solennel de la marche des morts et de celle du narrateur qui ne sait où il va. L’auteur, lui, est un véritable pianiste qui se sert des syllabes comme de touches pour exprimer l'échange entre les " témoins " et " l'enfant " : " et je sens / leur présence / et je suis / leur présence ". Il y a, dans Le grand silence, une forme de lyrisme d'une discrétion et d'une originalité rares.

La ronde incessante de vocables magiques s'exprime en un grand souffle qu'amplifie parfois le réalisme, comme celui avec lequel le sang est décrit. Aussi, dans l'éternel retour des morts et des mots, se baigne-t-on toujours dans le même fleuve et " rien / ne se perd ". La banalité, ou plutôt la simplicité,  fait ici une très belle alliance avec la poésie.

Mais on assiste, dès l'aria 3, à un crescendo quand la foule se fait " innombrable " et que monte alors la tension due à l'anankè de cette " marche longue, sans but et déjà implacable ", comme l'écrit Gérard Pfister dans sa note. Quand la nature et l'espace sont, plus loin, investis, le paradoxe reste tenace : la marche, qui pourtant a progressé depuis " Faux " est immobile, la lumière nocturne. Le doute, en même temps, s'accroît quand le narrateur crie " tout me quitte ". Mais à l'inverse " tout…s'apaise " car il y a un  aspect double et sans limite des choses. Alors se produisent la confusion du sang et de l'eau et la confusion aussi de " mon sang " et du sang " de mes pères ".    

A la fin de l'aria 6, " c'est le jour / du grand silence " puisque seul le ciel fait du bruit ".

Les morts silencieux sont présents, eux encore, jusqu'à la fin de l'incantation et " portent / comme un grand arbre / de silence " celui qui, en quelque sorte, est leur prêtre. Ainsi l'office de cette unique phrase a-t-il bien eu lieu et la joie est-elle encore plus " vivante " car les morts ne sont pas morts tant ils sont aimés .

Il a été dit, dans la chute de cette aria 6, que " le vide / rayonne " et, à la fin du recueil, comme le vieux Siméon de l'Evangile,  "je ", après voir vu la lumière, peux devenir " un mort / parmi les morts ". Seuls restent les mots, leur rêve et leur silence.

 

 

 

                                                                                France Burghelle Rey   

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