L'amant d'aujourd'hui n'a pas de rides Je regarde glisser sa sandale sur le sable mouillé Il n'a pour personne de regard et s'il ne chantait pas on le croirait muet
Je veux quitter la mer rejoindre le torrent pour changer de bruit Ici est l'infortune où sur moi jamais ne se posent ses yeux dans l'inhumaine étendue
Je veux oser prendre la main de l'amant et l'emmener sur mes terres J'ai peur je vous le dis du bruit des vagues et même quand la mer est étale je pleure
Tellement j’entends en t’attendant le phrasé de ta voix ivresse de l’émotion qui m’affole comme on disait l’appel avant de prononcer des vœux avant que dieu ne soit toi
Tellement je t’attends en entendant ce phrasé qui tape à ma tempe on est allé dans ce pays où flambe le ciel où tremble l’air chaleur de la pluie qui vaut des arcs-en-ciel
Tellement Cette fumée ce soir puis, brusque, ce feu, C’était l’or encore l’or des opéras que j’entendais en t’attendant ivresse du rythme des chants d’aujourd’hui qui m’affole aussi
23 octobre 2010
Yves Bonnefoy, Les Planches courbes, Poésie Gallimard, 16
Ici et là je veux être partout Roi des couleurs reine de l'eau de l'air Vie et mort à la fois du feu J'arase laboure ma terre puis colorie le ciel
Ici et là tu me couves des yeux Qui sont de ma couleur Point commun de l'amour Nous sommes l'un pour l'autre à la fois homme et femme nous n'avons qu'un seul nom
Ici et là c'est celui de poète Si nous étions croyants nous brandirions nos bras vers l'azur que j'ai peint en murmurant que l'air est bleu de tourterelles
18 septembre 2010
Joë Bousquet, La Connaissancedu soir, Poésie Gallimard, 63
S'il suffisait de dormir de traverser les rêves et pour finir d'arracher les foulards qui nouent sa gorge on approcherait sans crainte des puits des parapets et des ponts
S'il suffisait aux jeunes filles d'être vierges et modernes et de savoir ne plus écrire S'il suffisait à l'enfant de peindre toit murs et soleil en oubliant les personnages
S'il me suffisait d'être brûlé et alors que je n'ai pas pleuré d'aimer aussi la flamme pour son ombre Si le sommeil si la jeunesse et si la flamme
Entre l'orée et l'horizon il y a mon personnage : bouche ouverte ivre de ses syllabes qu'il compte comme autant de gouttes Patient vénéfice jamais épuisé de mes textes
Et l'avis unanime des amis quand j'ai voulu partir pour Valdemosa Non je n'ai pas fermé mes livres oublié mes carnets j'ai même emporté ce qu'il faut pour séduire
En voyage je vends des mots et je devine, au fond, des hommes mais j'aime aussi les arrivées les bords des lacs où ricochent sur l'eau les pièces du souvenir Oh ! l'étonnant pays où j'en ai laissé une
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"J'émerveille" a dit Apollinaire. Un blog qui veut honorer la poésie et transmettre la joie qui s'attache à la création littéraire. La lecture et l'analyse des œuvres sont un passage obligé vers l'écriture personnelle. De nombreux articles témoignent ici de cette expérience personnelle.